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Dans l’imaginaire collectif, le vestiaire du cinéaste se matérialise d’ordinaire comme un stéréotype fellinien. Un homme (dans une industrie où les postes de direction demeurent en majorité occupés par des hommes) donne des indications sur un plateau, en costume noir, chemise un peu froissée, chapeau, clope et lunettes fumées.
Mais How Directors Dress, étude kaléidoscopique parue en anglais sur les garde-robes des réalisateurs des années 1920 à nos jours, publiée par A24, la très branchée société américaine de production et de distribution, élargit la focale. Plus de deux cent cinquante pages illustrées de dizaines de photos accompagnées de textes signés en majorité par des journalistes de mode (Charlie Porter, Claire Mary Healy, Sami Reiss, Lauren Sherman).
On y retrouve les signatures stylistiques des cinéastes les plus photogéniques : les vestes en cuir de Pier Paolo Pasolini, les chemises Charvet de Sofia Coppola ou les silhouettes rouges d’Agnès Varda. On tombe aussi sur les accessoires les plus attendus. Ainsi, des lunettes noires d’un Abbas Kiarostami ou d’un Wong Kar-wai qui, en plus de compenser une vue moyenne, garantissent un air sérieux et semblent filtrer l’accès à l’auteur, caché derrière les verres.
La casquette, elle, rappelle à tous qui dirige le plateau : Steven Spielberg en a fait son fétiche. Au fil des pages, le beau livre explore le rôle de la cigarette, l’omniprésence de la chemise sobre et classique, les smokings ou les extravagances sur le tapis rouge. Il remet aussi en lumière certaines femmes cinéastes des débuts d’Hollywood (Dorothy Arzner, Mabel Normand, Frances Marion) qui furent photographiées au travail, mais éclipsées avec le temps par leurs contemporains, à commencer par Charlie Chaplin.
Ce n’est pas uniquement dans leur fameux fauteuil pliable en toile que ces professionnels se dévoilent. On les découvre dans des situations plus périlleuses. Voilà Kelly Reichardt, enveloppée dans une doudoune, filmant l’Oregon en plein hiver ; Francis Ford Coppola torse nu dans la moiteur des Philippines lors du tournage cauchemardesque d’Apocalypse Now (1979) ; James Cameron, dans l’eau, en combinaison, donnant des indications à Kate Winslet et Leonardo DiCaprio pour la scène de la mort de Jack dans Titanic (1997).
Mais c’est l’essai de Rachel Tashjian qui demeure le plus captivant. La critique du Washington Post a exploré l’attirance de certains cinéastes pour des vêtements ou accessoires au goût douteux. Rainer Werner Fassbinder en perfecto de cuir et « grosses lunettes porno », Martin Scorsese en tee-shirt de The Clash, Pedro Almodóvar en improbable total look Jean Paul Gaultier… Comment expliquer, se demande la journaliste, que ces grands noms du septième art soient attirés par le grotesque vestimentaire ? « Les réalisateurs se déguisent souvent eux-mêmes en artistes », constate-t-elle.
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